- Koi1Modérateur Général
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l'eau de pluie
2010-06-21, 7:52 am
PLUIE ET POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
Il existe un lien naturel entre la pluie et la pollution atmosphérique. L'air contient des particules et des gaz d'origine naturelle (sable, émissions volcaniques, gaz carbonique) et d'origine humaine (chauffage, transport) qui vont se redéposer au sol, avec ou sans transformation, par temps sec et par temps humide. Les particules se redéposent au sol pratiquement à l'identique, mais les gaz se transforment en acides par réaction chimique au contact de l'eau dans les gouttelettes nuageuses. La pluie est donc naturellement chargée.
Cette charge est non seulement naturelle, mais est même utile : « en l'absence de germes créés par les poussières, les gouttelettes d'eau ne parviendraient pas à atteindre une taille et un poids suffisant pour vaincre l'agitation moléculaire de l'air et arriver jusqu'au sol. Il est donc normal que l'eau de pluie soit impure (...). Dans une certaine mesure, la pollution atmosphérique est nécessaire à la formation de la pluie » (Encyclopédie de l'hydrologie urbaine, sous la coordination de B. Chocat - ed Tec et doc - 1997).
La pollution atmosphérique influence même la quantité des précipitations. Ainsi, dans les grandes métropoles urbaines, il pleut en moyenne un tiers de moins le samedi et le dimanche que le jeudi et le vendredi, jours où le réchauffement et la pollution sont au maximum.
En France, les émissions gazeuses ont beaucoup diminué au cours des deux dernières années mais la pollution de l'air, et par conséquent la pollution de la pluie, est l'une de celles qui s'exporte le mieux. Le soufre et l'azote, par exemple, à l'origine des pluies acides - voir annexe spécifique - viennent pour l'essentiel des pays limitrophes.
Les retombées de la pollution atmosphérique (gaz et particules) peuvent avoir lieu par temps sec (« les dépôts secs ») et par temps humide (« les dépôts humides »). Les retombées incorporées aux pluies ne forment qu'une fraction minime des retombées totales, qui viennent par conséquent pour l'essentiel par temps sec.
La répartition retombées sèches/retombées humides s'établit comme suit :
Dépôts atmosphériques (en kg/ha/an)
Eléments / Dépôts humides (mini-maxi) / Dépôts totaux (mini-maxi) / Part des dépôts humides dans les dépôts totaux
Hydrogène (H+) / 0,01 - 0,5 / 0,01 - 0,7 / 90 %
Soufre/sulfate (S-SO4) / 3,3 - 19,6 / 5,3 - 47,5 / 51 %
Nitrates (N-NO3) / 0,7 - 9,1 / 1,9 - 25,8 / 37 %
Ammonium (N-NH4) / 0,3 - 12,2 / 0,3-43,6 / 64 %
Potassium (K) / 0,2 - 5,8 / 0,7 - 39,1 / 20 %
Calcium (Ca) / 1,2 - 15,7 / 2,2 - 47 / 45 %
Magnésium (Mg) / 0,3 - 3,8 / 0,3 - 30,2 / 56 %
Chlorures (Cl) / 2,9 - 58,9 / 5,5 - 436 / 33 %
Sodium (Na) / 0,4 - 45,6 / 3,2 - 137 / 23 %
Source : École des mines de Douai - Audition du 20 février 2002
LES PLUIES ACIDES
L'acidité est l'un des paramètres qui permet de caractériser un liquide (eau, sang, urine, etc.). L'acidité correspond à la concentration en ions d'hydrogène. L'indice utilisé est le pH - potentiel d'hydrogène - qui mesure cette concentration. Si le pH est inférieur à 7, la solution aqueuse est dite acide. Si le pH est inférieur à 5, l'eau est dite très acide ou « agressive ». Si le pH est supérieur à 7, la solution est peu acide ou « alcaline ». L'échelle du pH est logarithmique. Un écart de 1 de pH correspond à un écart très important : une eau avec un pH de 4 est dix fois plus acide qu'une eau avec un pH de 5.
L'eau de pluie (météorite) est naturellement acide, avec un pH autour de 5 - 5,6, car elle absorbe le dioxyde de carbone, gaz naturellement présent dans l'air (le carbone est naturellement produit dans l'atmosphère par le bombardement des rayons cosmiques et se combine à l'oxygène pour former du dioxyde de carbone - CO2. le chiffre 2 signifie qu'il y a deux atomes d'oxygène pour un atome de carbone). La forêt et les océans absorbent et rejettent également du CO2.
C'est cette acidité qui dissout les minéraux à la surface du globe et participe ainsi à la formation, au cours du temps géologique (les millions d'années), de la Terre que l'on connaît aujourd'hui.
L'acidité a été renforcée au XXe siècle, sous l'effet de l'augmentation des rejets polluants, notamment le dioxyde de soufre (SO2), l'oxyde d'azote (NOx), principalement liés à la combustion des matières fossiles, ainsi que le chlore. Après réaction chimique dans la vapeur d'eau, ces gaz forment de l'acide sulfurique, de l'acide nitrique et de l'acide chlorhydrique qui contribuent à acidifier le sol et les eaux, au point d'avoir été accusés de faire dépérir les forêts situées notamment à proximité des grands centres industriels européens.
Il ne peut être nié que les pluies acides sont bien à l'origine de différents problèmes, car une eau très acide dissout énormément. Elle remet en solution, c'est-à-dire en mélange avec l'eau, des éléments qui étaient sous forme solide, tels que l'aluminium, les métaux lourds, avec des effets toxiques potentiels sur la faune aquatique.
Les effets doivent être distingués selon les milieux. En milieu urbain, les pluies acides accélèrent la détérioration des éléments de construction (immeubles, statues, toitures en zinc), et favorisent la remobilisation de métaux lourds (plomb, cuivre, cadmium, mercure, ...). En milieu rural, les pluies acides participent au déboisement, à la diminution de la faune aquatique. Mais son impact sur les forêts doit être nuancé : d'une part l'acidification des eaux et des sols s'observe essentiellement sur des terrains granitiques, tandis que l'acidité de l'eau est quasiment neutralisée sur les terrains calcaires (type Beauce), d'autre part le dépérissement des forêts serait aussi lié aux choix des essences elles-mêmes (pins, sapins) qui épuisent le sol.
L'« alerte aux pluies acides » a été à son maximum dans les années 80. Depuis, la médiatisation est retombée et les rejets polluants ont diminué, notamment l'oxyde de soufre et l'oxyde d'azote, principaux responsables des « pluies acides ». Ces retombées sont fortement influencées par les vents dominants : 30 % des dépôts d'azote, 60 % des dépôts de soufre en France sont d'origine extra métropolitaine.
Émissions et dépôts acides en France en 1990-1999 (en Tonnes)
Eléments / Oxyde de soufre / Oxyde d'azote
Période / 1990 - 1999 / 1990 - 1999
Émissions France / 1 200 000 - 800 000 / 1 900 000 - 1 600 000
Dépôts en France / 580 000 - 320 000 / 720 000 - 850 000
Dont origine France / 180 000 - 130 000 / 440 000 - 600 000
Source : IFEN
L'ANALYSE DES PLUIES EN FRANCE
Source : Audition de M. Patrice Codeville, enseignant-chercheur à l'école des Mines de Douai - 20 février 2002
§ Le dispositif
L'analyse des caractéristiques des pluies a longtemps été anecdotique et très « parisienne » Les premières mesures remontent à 1850. Selon les mesures de l'époque, la pluie de Paris était très chargée d'arsenic (issu de la combustion du charbon de bois), et surtout d'ammoniaque, dégagé par l'urine des habitants (avant l'installation du « tout à l'égout ») et des chevaux. Le dépôt d'ammoniaque était alors évalué à 16 kilos par hectare et par an. D'autres mesures avant la seconde guerre mondiale montrent des dépôts de soufre équivalant à 96 kilos par hectare et par an.
C'est à partir des années quatre-vingt que le réseau d'analyse s'est structuré. L'émergence d'un droit international de l'environnement imposant des mesures (Convention de Genève de 1979 sur la pollution atmosphérique) et la médiatisation des « pluies acides » -voir annexe- symbole de la crise environnementale annoncée, ont entraîné la mise en place d'un réseau d'observation et d'analyse.
Ce réseau est articulé autour de trois institutions : le réseau national de suivi de long terme (30 ans) des forêts, RENECOFOR, mis en place par l'Office national des forêts en 1982, Météo France, ainsi qu'une structure dite MERA, résultat d'un partenariat entre le ministère de l'environnement, l'ADEME et l'Ecole des mines de Douai.
Le réseau compte 200 sites de collecte, répartis sur cinq régions (Nord Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Lorraine, Basse-Normandie, Champagne -Ardenne). Les paramètres mesurés sont : le pH, les nitrates, les sulfates, les chlorures, l'ammonium, le calcium, le magnésium, le sodium, le potassium. Les métaux lourds et les pesticides sont mesurés depuis 2002.
Le suivi des pluies et de la pollution atmosphérique est souvent commun puisque les premières traduisent l'évolution de la seconde. Les « dépôts secs » sont mesurés sur une plaquette enduite d'un corps gras qui récupère les poussières. Les « dépôts humides » sont mesurés par un collecteur avec étranglement, pour éviter l'évaporation, et muni d'un couvercle mobile qui s'ouvre automatiquement quand il pleut.
§ Résultats
(Source : Ecole des Mines de Douai - Audition Sénat - 20 janvier 2002)
Caractéristiques de l'eau de pluie en France
(en moyennes annuelles)
Paramètres / Concentration moyenne par litre (mg/l) sauf pH / Limites de qualité d'eau potable (mg/l) / Valeur mini-maxi
(mg/m2/an) sauf pH / Valeur mini-maxi (kg/ha/an)
Acidité (pH) / 5 / 6,5 - 8,5 / 4,8 - 5,6 / -
H+ / - / - / 1 - 30 / 0,01 - 0,3
Soufre/Sulfates (SO 4) / 0,5 / 150 - 250 / 100 - 1.000 / 1 - 10
Nitrates (NO³) / 0,3 / 25 - 50 / 10 - 400 / 0,1 - 4
Ammonium (NH 4) / 0,3 - 0,6 / 0,1 / 100 - 1.400 / 1 - 14
Potassium (K) / 0,05 - 0,25 / Non listé / 30 - 250 / 0,3 - 2,5
Calcium (Ca) / 0,2 - 0,8 / Non listé / 100 - 800 / 1 - 8
Magnésium (Mg) / 0,05 - 0,9 / Non listé / 30 - 700 / 0,3 - 7
Chlorure (Cl) / 0,2 - 10 / 250 / 200 - 10.000 / 2 - 100
Sodium (Na) / 0,2 - 6 / 200 / 100 - 6.000 / 1 - 60
Variations interrégionales des caractéristiques de l'eau de pluie
(en moyenne annuelle -sauf pH- et en mg/m2/an
Paramètres / mini / maxi
pH (moyen annuelle) / 4,7 - Bas-Rhin (1991) / 5,5 - Alpes-Maritimes (1993)
pH (moyen mensuelle) / 3,8 - Ardèche (1996) / 7,8 - Alpes-Maritimes (2000)
Sulfate / 70 - Haute-Vienne (1991) / 1050 - Pyrénées-Atlantiques (1993)
Nitrates / 33 - Haute-Vienne (1991) / 640 - Bas-Rhin (1995)
Ammonium / 94 - Haute-Vienne (1991) / 1362 - Nièvre (1994)
LES PESTICIDES DANS LES EAUX DE PLUIE
Source : Audition du Dr René SEUX, Professeur à l'école nationale de santé publique
Les pesticides sont identifiés dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Cependant, depuis quelques années, des traces de ces produits ont été retrouvées dans les eaux de pluie. Les premières études, américaines, au début des années 90, avaient montré que dans deux cas sur trois, les teneurs en pesticides dans les pluies étaient supérieures à celles constatées dans les rivières du Minnesota. Par la suite, des études ont été conduites en France et en Europe. Toutes ont confirmé l'imprégnation parfois importante des eaux de pluie en pesticides.
1. Les mécanismes
Avant d'être dans la pluie, les pesticides sont présents dans l'atmosphère. « Les départs » ont lieu lors de l'application (dérive) puis dans les jours qui suivent l'épandage (transfert sol/air). Les pesticides se trouvent alors sous forme gazeuse ou particulaire, susceptibles d'être entraînés dans l'eau de pluie. Leur importance va dépendre de plusieurs facteurs :
- La nature du pesticide : les organochlorés, type DDT ou lindane, se déplacent sur longue distance et les pesticides sous forme particulaire sont plus facilement entraînés dans la pluie que les pesticides gazeux.
- Les caractéristiques des précipitations : plus les gouttelettes sont fines et plus elles rencontrent les pesticides. Les brumes, les brouillards et la rosée sont 30 à 60 fois plus chargés en pesticides que la pluie.
- Les conditions météorologiques : les pertes lors de l'application du produit restent à peu près constantes puisque les épandages ont lieu par temps sec ; en revanche, les départs post-application dépendent beaucoup de l'état du sol : plus le sol est humide ou saturé d'eau et plus les pesticides restent dans le sol, ce qui diminue d'autant les quantités qui migrent vers l'atmosphère.
2. Les résultats
Les analyses menées en France et en Europe confirment la présence fréquente des pesticides dans les eaux de pluie, parfois à des niveaux élevés et leur grande facilité de déplacement.
- L'importance des contaminations. Il n'existe pas de norme de qualité des eaux de pluie mais il est d'usage de se référer aux normes utilisées pour l'eau potable (soit 0,1ug/l). Des traces de pesticides dans les pluies sont constatées sur l'ensemble du territoire français, à la ville comme à la campagne. Les résultats sont évidemment très variables selon les régions et les années. Le tableau suivant donne les résultats de deux campagnes de mesures sur les eaux de pluie en Bretagne en 1996 et 2000. La forte baisse constatée en 2000, année de pluviométrie importante, révèle l'importance des conditions climatiques. Les concentrations pour l'atrazine et l'alachlore, qui sont les deux principaux pesticides du maïs, peuvent atteindre 10, 20, voire plus de 200 fois les normes tolérées pour l'eau potable !
Pesticides dans les eaux de pluie en Bretagne
Paramètres / Atrazine / Alachlore
Périodes / 1996 - 2000 / 1996 - 2000
Concentration moyenne * / 1,5 µg/l - 0,1 µg/l / 3,8 µg/l - 0,25 µg/l
Concentration maximale / 4,6 µg /l - 0,6 µg/l / 24 µg/l - 2,4 µg/l
* sur douze relevés entre avril et juin
- L'importance des déplacements. Une étude conduite en 1996 par l'INRA de Rennes au centre de Bretagne, dans une région où les agriculteurs n'utilisent pas de pesticides, avait détecté des pesticides dans une eau de pluie dont on aurait pu attendre la pureté maximale. Toutes les analyses de simazine effectuées dépassaient le seuil de 0,1ug/l. Les résultats dans le Nord Pas-de-Calais confirment cette tendance. Les précipitations analysées en 2000 à Berck présentaient des traces d'atrazine probablement en provenance de Normandie, de Bretagne ou d'Angleterre. Les pluies en ville, à Lille, Rennes, Strasbourg ou Paris contiennent aussi des pesticides. A Paris, les concentrations sont égales à celles constatées à 100 km de la capitale.
- La permanence des contaminations. Les traces de pesticides dans les pluies sont durables. Dans la ville d'Hanovre en Allemagne, des concentrations de terbuthylazine et de son métabolite ont atteint 0,4 et 0,5 ug/l soit cinq fois la norme pour l'eau potable alors que le produit était interdit depuis cinq ans.
LE RUISSELLEMENT DES EAUX DE PLUIE
Arrivée au sol, l'eau s'évapore, s'infiltre dans le sous-sol ou ruisselle. La part prise par chaque processus dépend de la température, de la nature du sol, notamment de sa perméabilité.
Le coefficient d'imperméabilisation est le rapport entre la surface imperméabilisée et la surface totale considérée. Ce coefficient dépend surtout du rapport entre la surface bâtie et les espaces libres.
Le coefficient de ruissellement est le rapport entre la « pluie nette », c'est-à-dire le débit ruisselant en sortie de la surface considérée et la « pluie brute ». Ce coefficient dépend de l'imperméabilisation des surfaces, de la pente... Plus le sol est imperméable, et plus le ruissellement va être important. Le coefficient de ruissellement varie selon les surfaces : entre 2% (terre), 10% (sable tassé), 40 % à 90% (bitume), et 95% (verre).
Au cours de son parcours vers son point de sortie (ruissellement - canalisations - rivières), la pluie va se charger de différents dépôts polluants, notamment sous forme particulaire. Ces particules vont générer des matières en suspension qui augmentent la turbidité de l'eau. La décomposition des matières organiques est elle aussi source de pollution.
On distingue trois grandes familles de dépôts :
- les résidus physiques, qu'il s'agisse de déchets volontaires d'origine humaine (plastiques, papiers, restes de marchés) qui représentent des volumes importants, des déchets végétaux, source de matière organique biodégradable mais aussi chargés d'azote et de pesticides et des déjections animales, sources de contamination bactérienne (déjections canines, fientes d'oiseaux...).
- les particules issues de l'érosion des sols et des matériaux. L'érosion est liée d'une part, à la nature et à l'état de la surface (chantiers...) ou des matériaux (toiture en zinc...), et d'autre part, aux caractéristiques de l'eau de pluie elle-même : l'acidité accroît l'agressivité vis-à-vis des matériaux, de même que la granulométrie (la taille des gouttes) et l'intensité de la pluie (une pluie violente arrache les particules des sols).
- les « dépôts secs », c'est-à-dire les dépôts issus des rejets dans l'atmosphère de l'industrie (métaux, solvants et autres polluants organiques), de l'incinération des ordures ménagères, et de la circulation automobile. La plupart des surfaces aménagées imperméables (toitures, chaussées, autoroutes, pistes d'aéroports...) accumulent des dépôts secs qui seront mobilisés par temps de pluie et entraînés avec l'écoulement des eaux (2(*)).
Les effets sont faciles à identifier mais difficiles à mesurer. On distingue deux types d'effets. Il y a, d'une part, les perturbations générales, appréciées à travers deux indicateurs de pollution principaux : les matières en suspension et la demande en oxygène. Les résidus et particules génèrent des matières en suspension (MES) qui augmentent la turbidité de l'eau (l'eau est trouble) et qui peuvent se redéposer dans les sédiments et colmater les équipements. La décomposition de la matière organique va générer une demande en oxygène, dite « demande biologique en oxygène » -DBO- généralement mesurée sur 5 jours (DBO5) et demande chimique en oxygène -DCO- deux indicateurs de la présence de matières organiques et par conséquent de la qualité de l'eau. Il y a, d'autre part, les pollutions plus spécifiques au milieu urbain, liées à la présence d'acides, d'hydrocarbures et de métaux « indésirables » ou « toxiques », remobilisables par temps de pluie.
La mesure est plus délicate car les résultats sont contradictoires selon que l'on considère les masses de polluants, qui sont importantes, et les concentrations qui sont beaucoup plus faibles, puisque les polluants sont dilués. La dilution, importante pour les matières en suspension, et la demande en oxygène, a cependant moins d'effet sur la présence des métaux, notamment des métaux lourds, qui ont pour particularité de se fixer aux particules et de s'y concentrer.
La pollution rejetée dans les eaux de ruissellement se présente essentiellement sous forme de particules, auxquelles adhèrent les polluants. La pollution est donc essentiellement -à plus de 90 %- sous forme solide, et non sous forme dissoute. Cette caractéristique est très importante. Elle conditionne les modes de traitement éventuels car la pollution solide peut être éliminée par aspiration, par filtration et par décantation.
De manière synthétique, on peut retenir les ordres de grandeur suivants :
- 75 % à 85 % de la pollution contenue dans l'eau pluviale sont imputables au ruissellement (15 % à 25 % sont déjà contenus dans la pluie météorite),
- La charge en matières en suspension des eaux de ruissellement est cinq à dix fois supérieure à celle des eaux rejetées par les stations d'épuration, et cinq à cent cinquante fois supérieure aux matières en suspension recueillies par temps sec.
LES EAUX PLUVIALES À PARIS
Source: Audition de M. Daniel Thévenot, professeur à l'université Paris XII, Centre d'enseignement et de recherches sur l'eau- CEREVE-
Il y a une interaction entre la ville et la pluie. La pluie en ville, polluée quand elle tombe, devient très toxique quand elle s'écoule. La ville a même un effet sur la quantité de pluie. « La ville, par sa structure et ses émissions polluantes, est susceptible de jouer un rôle sur le déclenchement des précipitations. La ville a un rôle pluviogène : en particulier à Paris, il pleut en moyenne 30 % de moins les samedis et dimanches, que les jeudis et vendredis, jours où l'accumulation des émissions polluantes est au maximum » (B. Chocat, encyclopédie de l'hydrologie urbaine et de l'assainissement, 1997).
La qualité de l'eau de pluie à Paris est liée à l'importance des retombées atmosphériques. Les retombées de plomb ont été divisées par 10 en 5 ans depuis l'élimination du plomb dans l'essence : le flux de métaux des retombées atmosphériques sèches et par temps de pluie pour le bassin de la Seine a été estimé à plusieurs dizaines de tonnes. Ces flux sont de 2 (plomb) à 10 (cadmium) fois plus importants que les flux annuels de la Seine à son estuaire.
Retombées atmosphériques dans le bassin de la Seine* (en tonnes par an)
Paramètres / 1995 / 2000
Cadmium / 24 / 18
Cuivre / 540 / 230
Chrome / - / 35
Plomb / 2 000 / 180
Zinc / 5 000 / 1 200
* 2 500 km² urbanisés + 62 500 km² ruraux
Source ; Daniel THÉVENOT, Michel MEYBECK et Laurence LESTEL, Métaux lourds, Bilan de synthèse PIREN SEINE, février 2002
Estimation de la répartition des surfaces à Paris *
Toitures / 54 %
Chaussées / 23 %
Cours / 23 %
Imperméabilisation totale : 90 %
Coefficient de ruissellement : 0,78
* Calculs sur les 42 hectares des 3e et 4e arrondissements (le marais)
Il y a une interaction entre les retombées atmosphériques et les surfaces puisque l'eau, acidifiée par la présence des gaz polluants (voir annexe sur les pluies acides) agresse les matériaux sujets à la corrosion, notamment les toitures et gouttières en tôle zinguée (92 % du zinc dans les eaux de ruissellement est apporté par les toitures). Ainsi, l'eau de ruissellement se charge de matières en suspension et surtout de métaux toxiques au cours de son trajet. La concentration en substances métalliques augmente considérablement.
Concentration de métaux (mg/l) au cours du ruissellement de l'eau de pluie à Paris
Paramètres / Pluie / Chaussée / Toiture / Réseau / seuil de potabilisation
Zinc / 0,1 / 8 / 20 / 15 / 3 - 5
Plomb / 0,1 / 1,1 / 30 / 20 / 0,05
Par temps d'orage, 1,3 million de m3 d'eau sont évacués dans la Seine. Le débit double en quelques heures (de 100 m3/seconde à 200 m3/seconde). Cette eau, qui n'a subi aucun traitement et qui provient des eaux usées domestiques et du ruissellement est très chargée de matières en suspension sur lesquelles des métaux et hydrocarbures se sont accumulées. L'essentiel des éléments transportés est sous forme particulaire, et non sous forme dissoute (comme dans l'eau météorite). Cette forme particulaire est cependant plus facile à éliminer par décantation dans les rivières. Les métaux se retrouvent d'ailleurs massivement dans les sédiments fluviaux et les boues de dragage, notamment près des barrages.
Masses métalliques associées aux sédiments dragués en région parisienne (moyenne 1999-2000 en tonnes/an)
Cadmium / Cuivre / Plomb / Zinc
0,1 / 3,3 / 5,4 / 19,5
LE RÉGIME JURIDIQUE DES EAUX PLUVIALES
Source : Sénat, service des Collectivités territoriales
Le régime légal des eaux pluviales est déterminé par les articles 640 à 643 du code civil. L'article 640 pose en principe, une servitude dite « d'écoulement des eaux » qui s'applique dans les rapports entre propriétés riveraines et voies publiques. Les voies publiques doivent recevoir les eaux qui s'écoulent naturellement des propriétés riveraines et, éventuellement, de celles qui proviennent des toits par l'intermédiaire de gouttières (article 681 du code civil).
Le respect des servitudes d'écoulement combiné aux pouvoirs de police du maire pour garantir la commodité de circulation et la conservation des voies publiques (articles L. 2212-1 et L.2212-2 du CGCT) entraîne:
- l'interdiction ou la modification des gouttières d'écoulement des eaux pluviales qui provoquent la destruction ou la détérioration des voies publiques (Conseil d'Etat, 30 juillet 1909) ;
- l'application d'une contravention de 5e classe pour rejet sur la voie publique de substances pouvant incommoder le public, menacer la salubrité ou la sécurité publique (articles L. 2122-21 du CGCT et R. 116-2 alinéa 4 du code de la voirie routière) ;
- l'entretien obligatoire des fossés limitrophes des chemins ruraux avec capacité d'injonction du maire (article R. 161-21 du code rural) ; il faut noter que, dans ce cas, le maire ne peut faire exécuter d'office les travaux ;
- l'obligation d'assurer l'écoulement des eaux pluviales même en cas de travaux sur les voies publiques. Le maire doit donc surveiller ces travaux et le cas échéant, faire réaliser tout ouvrage, pour respecter ce droit d'écoulement (article L. 2122-21 du CGCT)
- la possibilité de construire des ouvrages permettant de canaliser des eaux pluviales (article 641 2e alinéa du code civil) sans que ces ouvrages ne créent ni n'aggravent la servitude d'écoulement des eaux prévue par le code civil ;
- l'obligation pour les communes de délimiter les « zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement », ainsi que les « zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement » (article L 2224-10 du CGCT).
Il existe un lien naturel entre la pluie et la pollution atmosphérique. L'air contient des particules et des gaz d'origine naturelle (sable, émissions volcaniques, gaz carbonique) et d'origine humaine (chauffage, transport) qui vont se redéposer au sol, avec ou sans transformation, par temps sec et par temps humide. Les particules se redéposent au sol pratiquement à l'identique, mais les gaz se transforment en acides par réaction chimique au contact de l'eau dans les gouttelettes nuageuses. La pluie est donc naturellement chargée.
Cette charge est non seulement naturelle, mais est même utile : « en l'absence de germes créés par les poussières, les gouttelettes d'eau ne parviendraient pas à atteindre une taille et un poids suffisant pour vaincre l'agitation moléculaire de l'air et arriver jusqu'au sol. Il est donc normal que l'eau de pluie soit impure (...). Dans une certaine mesure, la pollution atmosphérique est nécessaire à la formation de la pluie » (Encyclopédie de l'hydrologie urbaine, sous la coordination de B. Chocat - ed Tec et doc - 1997).
La pollution atmosphérique influence même la quantité des précipitations. Ainsi, dans les grandes métropoles urbaines, il pleut en moyenne un tiers de moins le samedi et le dimanche que le jeudi et le vendredi, jours où le réchauffement et la pollution sont au maximum.
En France, les émissions gazeuses ont beaucoup diminué au cours des deux dernières années mais la pollution de l'air, et par conséquent la pollution de la pluie, est l'une de celles qui s'exporte le mieux. Le soufre et l'azote, par exemple, à l'origine des pluies acides - voir annexe spécifique - viennent pour l'essentiel des pays limitrophes.
Les retombées de la pollution atmosphérique (gaz et particules) peuvent avoir lieu par temps sec (« les dépôts secs ») et par temps humide (« les dépôts humides »). Les retombées incorporées aux pluies ne forment qu'une fraction minime des retombées totales, qui viennent par conséquent pour l'essentiel par temps sec.
La répartition retombées sèches/retombées humides s'établit comme suit :
Dépôts atmosphériques (en kg/ha/an)
Eléments / Dépôts humides (mini-maxi) / Dépôts totaux (mini-maxi) / Part des dépôts humides dans les dépôts totaux
Hydrogène (H+) / 0,01 - 0,5 / 0,01 - 0,7 / 90 %
Soufre/sulfate (S-SO4) / 3,3 - 19,6 / 5,3 - 47,5 / 51 %
Nitrates (N-NO3) / 0,7 - 9,1 / 1,9 - 25,8 / 37 %
Ammonium (N-NH4) / 0,3 - 12,2 / 0,3-43,6 / 64 %
Potassium (K) / 0,2 - 5,8 / 0,7 - 39,1 / 20 %
Calcium (Ca) / 1,2 - 15,7 / 2,2 - 47 / 45 %
Magnésium (Mg) / 0,3 - 3,8 / 0,3 - 30,2 / 56 %
Chlorures (Cl) / 2,9 - 58,9 / 5,5 - 436 / 33 %
Sodium (Na) / 0,4 - 45,6 / 3,2 - 137 / 23 %
Source : École des mines de Douai - Audition du 20 février 2002
LES PLUIES ACIDES
L'acidité est l'un des paramètres qui permet de caractériser un liquide (eau, sang, urine, etc.). L'acidité correspond à la concentration en ions d'hydrogène. L'indice utilisé est le pH - potentiel d'hydrogène - qui mesure cette concentration. Si le pH est inférieur à 7, la solution aqueuse est dite acide. Si le pH est inférieur à 5, l'eau est dite très acide ou « agressive ». Si le pH est supérieur à 7, la solution est peu acide ou « alcaline ». L'échelle du pH est logarithmique. Un écart de 1 de pH correspond à un écart très important : une eau avec un pH de 4 est dix fois plus acide qu'une eau avec un pH de 5.
L'eau de pluie (météorite) est naturellement acide, avec un pH autour de 5 - 5,6, car elle absorbe le dioxyde de carbone, gaz naturellement présent dans l'air (le carbone est naturellement produit dans l'atmosphère par le bombardement des rayons cosmiques et se combine à l'oxygène pour former du dioxyde de carbone - CO2. le chiffre 2 signifie qu'il y a deux atomes d'oxygène pour un atome de carbone). La forêt et les océans absorbent et rejettent également du CO2.
C'est cette acidité qui dissout les minéraux à la surface du globe et participe ainsi à la formation, au cours du temps géologique (les millions d'années), de la Terre que l'on connaît aujourd'hui.
L'acidité a été renforcée au XXe siècle, sous l'effet de l'augmentation des rejets polluants, notamment le dioxyde de soufre (SO2), l'oxyde d'azote (NOx), principalement liés à la combustion des matières fossiles, ainsi que le chlore. Après réaction chimique dans la vapeur d'eau, ces gaz forment de l'acide sulfurique, de l'acide nitrique et de l'acide chlorhydrique qui contribuent à acidifier le sol et les eaux, au point d'avoir été accusés de faire dépérir les forêts situées notamment à proximité des grands centres industriels européens.
Il ne peut être nié que les pluies acides sont bien à l'origine de différents problèmes, car une eau très acide dissout énormément. Elle remet en solution, c'est-à-dire en mélange avec l'eau, des éléments qui étaient sous forme solide, tels que l'aluminium, les métaux lourds, avec des effets toxiques potentiels sur la faune aquatique.
Les effets doivent être distingués selon les milieux. En milieu urbain, les pluies acides accélèrent la détérioration des éléments de construction (immeubles, statues, toitures en zinc), et favorisent la remobilisation de métaux lourds (plomb, cuivre, cadmium, mercure, ...). En milieu rural, les pluies acides participent au déboisement, à la diminution de la faune aquatique. Mais son impact sur les forêts doit être nuancé : d'une part l'acidification des eaux et des sols s'observe essentiellement sur des terrains granitiques, tandis que l'acidité de l'eau est quasiment neutralisée sur les terrains calcaires (type Beauce), d'autre part le dépérissement des forêts serait aussi lié aux choix des essences elles-mêmes (pins, sapins) qui épuisent le sol.
L'« alerte aux pluies acides » a été à son maximum dans les années 80. Depuis, la médiatisation est retombée et les rejets polluants ont diminué, notamment l'oxyde de soufre et l'oxyde d'azote, principaux responsables des « pluies acides ». Ces retombées sont fortement influencées par les vents dominants : 30 % des dépôts d'azote, 60 % des dépôts de soufre en France sont d'origine extra métropolitaine.
Émissions et dépôts acides en France en 1990-1999 (en Tonnes)
Eléments / Oxyde de soufre / Oxyde d'azote
Période / 1990 - 1999 / 1990 - 1999
Émissions France / 1 200 000 - 800 000 / 1 900 000 - 1 600 000
Dépôts en France / 580 000 - 320 000 / 720 000 - 850 000
Dont origine France / 180 000 - 130 000 / 440 000 - 600 000
Source : IFEN
L'ANALYSE DES PLUIES EN FRANCE
Source : Audition de M. Patrice Codeville, enseignant-chercheur à l'école des Mines de Douai - 20 février 2002
§ Le dispositif
L'analyse des caractéristiques des pluies a longtemps été anecdotique et très « parisienne » Les premières mesures remontent à 1850. Selon les mesures de l'époque, la pluie de Paris était très chargée d'arsenic (issu de la combustion du charbon de bois), et surtout d'ammoniaque, dégagé par l'urine des habitants (avant l'installation du « tout à l'égout ») et des chevaux. Le dépôt d'ammoniaque était alors évalué à 16 kilos par hectare et par an. D'autres mesures avant la seconde guerre mondiale montrent des dépôts de soufre équivalant à 96 kilos par hectare et par an.
C'est à partir des années quatre-vingt que le réseau d'analyse s'est structuré. L'émergence d'un droit international de l'environnement imposant des mesures (Convention de Genève de 1979 sur la pollution atmosphérique) et la médiatisation des « pluies acides » -voir annexe- symbole de la crise environnementale annoncée, ont entraîné la mise en place d'un réseau d'observation et d'analyse.
Ce réseau est articulé autour de trois institutions : le réseau national de suivi de long terme (30 ans) des forêts, RENECOFOR, mis en place par l'Office national des forêts en 1982, Météo France, ainsi qu'une structure dite MERA, résultat d'un partenariat entre le ministère de l'environnement, l'ADEME et l'Ecole des mines de Douai.
Le réseau compte 200 sites de collecte, répartis sur cinq régions (Nord Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Lorraine, Basse-Normandie, Champagne -Ardenne). Les paramètres mesurés sont : le pH, les nitrates, les sulfates, les chlorures, l'ammonium, le calcium, le magnésium, le sodium, le potassium. Les métaux lourds et les pesticides sont mesurés depuis 2002.
Le suivi des pluies et de la pollution atmosphérique est souvent commun puisque les premières traduisent l'évolution de la seconde. Les « dépôts secs » sont mesurés sur une plaquette enduite d'un corps gras qui récupère les poussières. Les « dépôts humides » sont mesurés par un collecteur avec étranglement, pour éviter l'évaporation, et muni d'un couvercle mobile qui s'ouvre automatiquement quand il pleut.
§ Résultats
(Source : Ecole des Mines de Douai - Audition Sénat - 20 janvier 2002)
Caractéristiques de l'eau de pluie en France
(en moyennes annuelles)
Paramètres / Concentration moyenne par litre (mg/l) sauf pH / Limites de qualité d'eau potable (mg/l) / Valeur mini-maxi
(mg/m2/an) sauf pH / Valeur mini-maxi (kg/ha/an)
Acidité (pH) / 5 / 6,5 - 8,5 / 4,8 - 5,6 / -
H+ / - / - / 1 - 30 / 0,01 - 0,3
Soufre/Sulfates (SO 4) / 0,5 / 150 - 250 / 100 - 1.000 / 1 - 10
Nitrates (NO³) / 0,3 / 25 - 50 / 10 - 400 / 0,1 - 4
Ammonium (NH 4) / 0,3 - 0,6 / 0,1 / 100 - 1.400 / 1 - 14
Potassium (K) / 0,05 - 0,25 / Non listé / 30 - 250 / 0,3 - 2,5
Calcium (Ca) / 0,2 - 0,8 / Non listé / 100 - 800 / 1 - 8
Magnésium (Mg) / 0,05 - 0,9 / Non listé / 30 - 700 / 0,3 - 7
Chlorure (Cl) / 0,2 - 10 / 250 / 200 - 10.000 / 2 - 100
Sodium (Na) / 0,2 - 6 / 200 / 100 - 6.000 / 1 - 60
Variations interrégionales des caractéristiques de l'eau de pluie
(en moyenne annuelle -sauf pH- et en mg/m2/an
Paramètres / mini / maxi
pH (moyen annuelle) / 4,7 - Bas-Rhin (1991) / 5,5 - Alpes-Maritimes (1993)
pH (moyen mensuelle) / 3,8 - Ardèche (1996) / 7,8 - Alpes-Maritimes (2000)
Sulfate / 70 - Haute-Vienne (1991) / 1050 - Pyrénées-Atlantiques (1993)
Nitrates / 33 - Haute-Vienne (1991) / 640 - Bas-Rhin (1995)
Ammonium / 94 - Haute-Vienne (1991) / 1362 - Nièvre (1994)
LES PESTICIDES DANS LES EAUX DE PLUIE
Source : Audition du Dr René SEUX, Professeur à l'école nationale de santé publique
Les pesticides sont identifiés dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Cependant, depuis quelques années, des traces de ces produits ont été retrouvées dans les eaux de pluie. Les premières études, américaines, au début des années 90, avaient montré que dans deux cas sur trois, les teneurs en pesticides dans les pluies étaient supérieures à celles constatées dans les rivières du Minnesota. Par la suite, des études ont été conduites en France et en Europe. Toutes ont confirmé l'imprégnation parfois importante des eaux de pluie en pesticides.
1. Les mécanismes
Avant d'être dans la pluie, les pesticides sont présents dans l'atmosphère. « Les départs » ont lieu lors de l'application (dérive) puis dans les jours qui suivent l'épandage (transfert sol/air). Les pesticides se trouvent alors sous forme gazeuse ou particulaire, susceptibles d'être entraînés dans l'eau de pluie. Leur importance va dépendre de plusieurs facteurs :
- La nature du pesticide : les organochlorés, type DDT ou lindane, se déplacent sur longue distance et les pesticides sous forme particulaire sont plus facilement entraînés dans la pluie que les pesticides gazeux.
- Les caractéristiques des précipitations : plus les gouttelettes sont fines et plus elles rencontrent les pesticides. Les brumes, les brouillards et la rosée sont 30 à 60 fois plus chargés en pesticides que la pluie.
- Les conditions météorologiques : les pertes lors de l'application du produit restent à peu près constantes puisque les épandages ont lieu par temps sec ; en revanche, les départs post-application dépendent beaucoup de l'état du sol : plus le sol est humide ou saturé d'eau et plus les pesticides restent dans le sol, ce qui diminue d'autant les quantités qui migrent vers l'atmosphère.
2. Les résultats
Les analyses menées en France et en Europe confirment la présence fréquente des pesticides dans les eaux de pluie, parfois à des niveaux élevés et leur grande facilité de déplacement.
- L'importance des contaminations. Il n'existe pas de norme de qualité des eaux de pluie mais il est d'usage de se référer aux normes utilisées pour l'eau potable (soit 0,1ug/l). Des traces de pesticides dans les pluies sont constatées sur l'ensemble du territoire français, à la ville comme à la campagne. Les résultats sont évidemment très variables selon les régions et les années. Le tableau suivant donne les résultats de deux campagnes de mesures sur les eaux de pluie en Bretagne en 1996 et 2000. La forte baisse constatée en 2000, année de pluviométrie importante, révèle l'importance des conditions climatiques. Les concentrations pour l'atrazine et l'alachlore, qui sont les deux principaux pesticides du maïs, peuvent atteindre 10, 20, voire plus de 200 fois les normes tolérées pour l'eau potable !
Pesticides dans les eaux de pluie en Bretagne
Paramètres / Atrazine / Alachlore
Périodes / 1996 - 2000 / 1996 - 2000
Concentration moyenne * / 1,5 µg/l - 0,1 µg/l / 3,8 µg/l - 0,25 µg/l
Concentration maximale / 4,6 µg /l - 0,6 µg/l / 24 µg/l - 2,4 µg/l
* sur douze relevés entre avril et juin
- L'importance des déplacements. Une étude conduite en 1996 par l'INRA de Rennes au centre de Bretagne, dans une région où les agriculteurs n'utilisent pas de pesticides, avait détecté des pesticides dans une eau de pluie dont on aurait pu attendre la pureté maximale. Toutes les analyses de simazine effectuées dépassaient le seuil de 0,1ug/l. Les résultats dans le Nord Pas-de-Calais confirment cette tendance. Les précipitations analysées en 2000 à Berck présentaient des traces d'atrazine probablement en provenance de Normandie, de Bretagne ou d'Angleterre. Les pluies en ville, à Lille, Rennes, Strasbourg ou Paris contiennent aussi des pesticides. A Paris, les concentrations sont égales à celles constatées à 100 km de la capitale.
- La permanence des contaminations. Les traces de pesticides dans les pluies sont durables. Dans la ville d'Hanovre en Allemagne, des concentrations de terbuthylazine et de son métabolite ont atteint 0,4 et 0,5 ug/l soit cinq fois la norme pour l'eau potable alors que le produit était interdit depuis cinq ans.
LE RUISSELLEMENT DES EAUX DE PLUIE
Arrivée au sol, l'eau s'évapore, s'infiltre dans le sous-sol ou ruisselle. La part prise par chaque processus dépend de la température, de la nature du sol, notamment de sa perméabilité.
Le coefficient d'imperméabilisation est le rapport entre la surface imperméabilisée et la surface totale considérée. Ce coefficient dépend surtout du rapport entre la surface bâtie et les espaces libres.
Le coefficient de ruissellement est le rapport entre la « pluie nette », c'est-à-dire le débit ruisselant en sortie de la surface considérée et la « pluie brute ». Ce coefficient dépend de l'imperméabilisation des surfaces, de la pente... Plus le sol est imperméable, et plus le ruissellement va être important. Le coefficient de ruissellement varie selon les surfaces : entre 2% (terre), 10% (sable tassé), 40 % à 90% (bitume), et 95% (verre).
Au cours de son parcours vers son point de sortie (ruissellement - canalisations - rivières), la pluie va se charger de différents dépôts polluants, notamment sous forme particulaire. Ces particules vont générer des matières en suspension qui augmentent la turbidité de l'eau. La décomposition des matières organiques est elle aussi source de pollution.
On distingue trois grandes familles de dépôts :
- les résidus physiques, qu'il s'agisse de déchets volontaires d'origine humaine (plastiques, papiers, restes de marchés) qui représentent des volumes importants, des déchets végétaux, source de matière organique biodégradable mais aussi chargés d'azote et de pesticides et des déjections animales, sources de contamination bactérienne (déjections canines, fientes d'oiseaux...).
- les particules issues de l'érosion des sols et des matériaux. L'érosion est liée d'une part, à la nature et à l'état de la surface (chantiers...) ou des matériaux (toiture en zinc...), et d'autre part, aux caractéristiques de l'eau de pluie elle-même : l'acidité accroît l'agressivité vis-à-vis des matériaux, de même que la granulométrie (la taille des gouttes) et l'intensité de la pluie (une pluie violente arrache les particules des sols).
- les « dépôts secs », c'est-à-dire les dépôts issus des rejets dans l'atmosphère de l'industrie (métaux, solvants et autres polluants organiques), de l'incinération des ordures ménagères, et de la circulation automobile. La plupart des surfaces aménagées imperméables (toitures, chaussées, autoroutes, pistes d'aéroports...) accumulent des dépôts secs qui seront mobilisés par temps de pluie et entraînés avec l'écoulement des eaux (2(*)).
Les effets sont faciles à identifier mais difficiles à mesurer. On distingue deux types d'effets. Il y a, d'une part, les perturbations générales, appréciées à travers deux indicateurs de pollution principaux : les matières en suspension et la demande en oxygène. Les résidus et particules génèrent des matières en suspension (MES) qui augmentent la turbidité de l'eau (l'eau est trouble) et qui peuvent se redéposer dans les sédiments et colmater les équipements. La décomposition de la matière organique va générer une demande en oxygène, dite « demande biologique en oxygène » -DBO- généralement mesurée sur 5 jours (DBO5) et demande chimique en oxygène -DCO- deux indicateurs de la présence de matières organiques et par conséquent de la qualité de l'eau. Il y a, d'autre part, les pollutions plus spécifiques au milieu urbain, liées à la présence d'acides, d'hydrocarbures et de métaux « indésirables » ou « toxiques », remobilisables par temps de pluie.
La mesure est plus délicate car les résultats sont contradictoires selon que l'on considère les masses de polluants, qui sont importantes, et les concentrations qui sont beaucoup plus faibles, puisque les polluants sont dilués. La dilution, importante pour les matières en suspension, et la demande en oxygène, a cependant moins d'effet sur la présence des métaux, notamment des métaux lourds, qui ont pour particularité de se fixer aux particules et de s'y concentrer.
La pollution rejetée dans les eaux de ruissellement se présente essentiellement sous forme de particules, auxquelles adhèrent les polluants. La pollution est donc essentiellement -à plus de 90 %- sous forme solide, et non sous forme dissoute. Cette caractéristique est très importante. Elle conditionne les modes de traitement éventuels car la pollution solide peut être éliminée par aspiration, par filtration et par décantation.
De manière synthétique, on peut retenir les ordres de grandeur suivants :
- 75 % à 85 % de la pollution contenue dans l'eau pluviale sont imputables au ruissellement (15 % à 25 % sont déjà contenus dans la pluie météorite),
- La charge en matières en suspension des eaux de ruissellement est cinq à dix fois supérieure à celle des eaux rejetées par les stations d'épuration, et cinq à cent cinquante fois supérieure aux matières en suspension recueillies par temps sec.
LES EAUX PLUVIALES À PARIS
Source: Audition de M. Daniel Thévenot, professeur à l'université Paris XII, Centre d'enseignement et de recherches sur l'eau- CEREVE-
Il y a une interaction entre la ville et la pluie. La pluie en ville, polluée quand elle tombe, devient très toxique quand elle s'écoule. La ville a même un effet sur la quantité de pluie. « La ville, par sa structure et ses émissions polluantes, est susceptible de jouer un rôle sur le déclenchement des précipitations. La ville a un rôle pluviogène : en particulier à Paris, il pleut en moyenne 30 % de moins les samedis et dimanches, que les jeudis et vendredis, jours où l'accumulation des émissions polluantes est au maximum » (B. Chocat, encyclopédie de l'hydrologie urbaine et de l'assainissement, 1997).
La qualité de l'eau de pluie à Paris est liée à l'importance des retombées atmosphériques. Les retombées de plomb ont été divisées par 10 en 5 ans depuis l'élimination du plomb dans l'essence : le flux de métaux des retombées atmosphériques sèches et par temps de pluie pour le bassin de la Seine a été estimé à plusieurs dizaines de tonnes. Ces flux sont de 2 (plomb) à 10 (cadmium) fois plus importants que les flux annuels de la Seine à son estuaire.
Retombées atmosphériques dans le bassin de la Seine* (en tonnes par an)
Paramètres / 1995 / 2000
Cadmium / 24 / 18
Cuivre / 540 / 230
Chrome / - / 35
Plomb / 2 000 / 180
Zinc / 5 000 / 1 200
* 2 500 km² urbanisés + 62 500 km² ruraux
Source ; Daniel THÉVENOT, Michel MEYBECK et Laurence LESTEL, Métaux lourds, Bilan de synthèse PIREN SEINE, février 2002
Estimation de la répartition des surfaces à Paris *
Toitures / 54 %
Chaussées / 23 %
Cours / 23 %
Imperméabilisation totale : 90 %
Coefficient de ruissellement : 0,78
* Calculs sur les 42 hectares des 3e et 4e arrondissements (le marais)
Il y a une interaction entre les retombées atmosphériques et les surfaces puisque l'eau, acidifiée par la présence des gaz polluants (voir annexe sur les pluies acides) agresse les matériaux sujets à la corrosion, notamment les toitures et gouttières en tôle zinguée (92 % du zinc dans les eaux de ruissellement est apporté par les toitures). Ainsi, l'eau de ruissellement se charge de matières en suspension et surtout de métaux toxiques au cours de son trajet. La concentration en substances métalliques augmente considérablement.
Concentration de métaux (mg/l) au cours du ruissellement de l'eau de pluie à Paris
Paramètres / Pluie / Chaussée / Toiture / Réseau / seuil de potabilisation
Zinc / 0,1 / 8 / 20 / 15 / 3 - 5
Plomb / 0,1 / 1,1 / 30 / 20 / 0,05
Par temps d'orage, 1,3 million de m3 d'eau sont évacués dans la Seine. Le débit double en quelques heures (de 100 m3/seconde à 200 m3/seconde). Cette eau, qui n'a subi aucun traitement et qui provient des eaux usées domestiques et du ruissellement est très chargée de matières en suspension sur lesquelles des métaux et hydrocarbures se sont accumulées. L'essentiel des éléments transportés est sous forme particulaire, et non sous forme dissoute (comme dans l'eau météorite). Cette forme particulaire est cependant plus facile à éliminer par décantation dans les rivières. Les métaux se retrouvent d'ailleurs massivement dans les sédiments fluviaux et les boues de dragage, notamment près des barrages.
Masses métalliques associées aux sédiments dragués en région parisienne (moyenne 1999-2000 en tonnes/an)
Cadmium / Cuivre / Plomb / Zinc
0,1 / 3,3 / 5,4 / 19,5
LE RÉGIME JURIDIQUE DES EAUX PLUVIALES
Source : Sénat, service des Collectivités territoriales
Le régime légal des eaux pluviales est déterminé par les articles 640 à 643 du code civil. L'article 640 pose en principe, une servitude dite « d'écoulement des eaux » qui s'applique dans les rapports entre propriétés riveraines et voies publiques. Les voies publiques doivent recevoir les eaux qui s'écoulent naturellement des propriétés riveraines et, éventuellement, de celles qui proviennent des toits par l'intermédiaire de gouttières (article 681 du code civil).
Le respect des servitudes d'écoulement combiné aux pouvoirs de police du maire pour garantir la commodité de circulation et la conservation des voies publiques (articles L. 2212-1 et L.2212-2 du CGCT) entraîne:
- l'interdiction ou la modification des gouttières d'écoulement des eaux pluviales qui provoquent la destruction ou la détérioration des voies publiques (Conseil d'Etat, 30 juillet 1909) ;
- l'application d'une contravention de 5e classe pour rejet sur la voie publique de substances pouvant incommoder le public, menacer la salubrité ou la sécurité publique (articles L. 2122-21 du CGCT et R. 116-2 alinéa 4 du code de la voirie routière) ;
- l'entretien obligatoire des fossés limitrophes des chemins ruraux avec capacité d'injonction du maire (article R. 161-21 du code rural) ; il faut noter que, dans ce cas, le maire ne peut faire exécuter d'office les travaux ;
- l'obligation d'assurer l'écoulement des eaux pluviales même en cas de travaux sur les voies publiques. Le maire doit donc surveiller ces travaux et le cas échéant, faire réaliser tout ouvrage, pour respecter ce droit d'écoulement (article L. 2122-21 du CGCT)
- la possibilité de construire des ouvrages permettant de canaliser des eaux pluviales (article 641 2e alinéa du code civil) sans que ces ouvrages ne créent ni n'aggravent la servitude d'écoulement des eaux prévue par le code civil ;
- l'obligation pour les communes de délimiter les « zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement », ainsi que les « zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement » (article L 2224-10 du CGCT).
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Mise à jour :: 15/03/2012
Re: l'eau de pluie
2010-06-26, 2:19 pm
oui en effet très bon sujet
qui répond à pas mal de question
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